Jorn UTZON (1918- )
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Jorn UTZON (1918- )
Jorn UTZON (1918- )
L’architecte Jorn Utzon est sans doute moins connu que son chef-d’œuvre, l’Opéra de
Sydney, qu’il ne réalisa que partiellement à l’issue d’un chantier
difficile qui dura dix ans. C’est pourtant un architecte de tout
premier plan, dont les projets et les trop rares réalisations
témoignent de l’exceptionnelle capacité à allier créativité plastique
et rigueur conceptuelle dans des formes aussi personnelles que
novatrices.
1. Une personnalité singulière
Fils d’architecte naval, neveu de sculpteur, Utzon naît
à Copenhague en 1918. Très jeune, il manifeste un talent certain pour
le dessin, mais c’est l’architecture qu’il décide d’étudier. En 1937,
il entre à l’Académie royale de Copenhague, où il reçoit l’enseignement
humaniste de l’architecte et urbaniste Steen Eiler Rasmussen. Tout en
s’engageant dans les débats de l’avant-garde internationale, il cultive
ses références nordiques – Erik Gunnar Asplund, Alvar Aalto, dans
l’agence duquel il travaillera quelque temps –, découvre les théories
organicistes de Franck Lloyd Wright, vers lesquelles le porte sa
sensibilité aux formes naturelles, et voyage dans le monde. À cette
époque son univers s’enrichit d’affinités et d’intérêts peu communs :
l’architecture de la Chine ancienne, ses monuments et ses traités ;
l’antiquité méso-américaine et islamique ; les mouvements artistiques
contestataires, comme le groupe Cobra.
Utzon fonde son agence au début des années 1950 ; ses
premiers projets sont originaux et remarqués. Avec sa propre maison de
Hellebaek, il introduit le plan libre dans l’architecture domestique
danoise. Les deux villages qu’il construit ensuite (à Helsingor, en
1956, et à Fredensborg, en 1959), se veulent une alternative aux
lotissements qui prolifèrent autour des villes danoises. En
réinterprétant un modèle ancien – la maison à patio – qu’il décline en
plusieurs types et distribue suivant la topographie des lieux, Utzon
réussit une synthèse exemplaire entre des exigences contradictoires :
l’habitation privée et le sens de la communauté, l’aspiration au
confort intérieur et le désir d’espaces publics partagés, la
flexibilité d’usage et la cohérence architecturale d’ensemble,
l’affirmation de l’intervention humaine et le respect du site.
2. L’Opéra de Sydney
En 1957, Utzon est lauréat du concours international
pour le nouvel Opéra de Sydney. La surprise est grande car, à
trente-huit ans, il n’est guère connu, même s’il s’est signalé au
Danemark et en Suède en remportant plusieurs consultations
d’architecture et d’urbanisme, qui n’ont pas abouti. L’étude et la
réalisation (entamée en 1959) de ce projet majeur vont l’occuper
pendant dix années. Sans avoir visité Sydney, il donne au paysage de la
ville et au programme du concours une réponse dont l’audace et la
poésie tranchent avec les propositions des autres concurrents. Il veut
ériger sur le promontoire de Bennelong, des éventails de coques
blanches qui couvriraient, telles des voiles, deux salles de concert
contenues dans un socle monumental en pierre. Cette image, construite
en dépit de multiples difficultés, est devenue l’emblème mondialement
célèbre de la plus grande ville d’Australie.
L’intention qui anime le projet pour l’Opéra s’inscrit
dans un mouvement de retour à la forme propre à la génération d’Utzon.
Les jeunes architectes réagissent contre le dessèchement du modernisme
de leurs aînés et parient sur de nouvelles technologies – ici les
coques minces en béton armé – pour incarner leur revendication d’une
plus grande liberté plastique et favoriser l’émergence d’une nouvelle
architecture. Pourtant, Utzon et ses ingénieurs sont vite confrontés à
l’impossibilité de construire l’Opéra sans modifier le projet. Pendant
que le socle émerge lentement du sol, l’agence londonienne de
l’ingénieur Ove Arup (1895-1988) échoue à calculer la géométrie des
toitures lyriques qui doivent le couronner. C’est finalement
l’architecte qui trouve, en 1962, une solution inédite : il propose que
les coquilles soient toutes prélevées sur une même sphère théorique, ce
qui rend leurs surfaces homothétiques, les rationalise et permet une
réalisation économique. Les membranes galbées en béton de faible
épaisseur envisagées au départ deviennent des voûtes en ogive, un
assemblage d’arches elles-mêmes décomposées en segments préfabriqués.
Sur le plan constructif, l’Opéra de Sydney s’apparente donc plus à une
cathédrale gothique qu’aux expériences qui l’avaient d’abord inspiré,
comme le fameux terminal de la compagnie TWA conçu par Eero Saarinen
pour l’aéroport Kennedy de New York.
3. Une carrière de météore
En 1966, alors que l’extérieur de l’Opéra est presque
achevé, un violent conflit avec le gouvernement local contraint Utzon à
démissionner du projet. Il lègue à la ville une coquille vide dont les
auditoriums et les façades seront réalisés par un trio d’architectes
locaux, l’Opéra étant officiellement ouvert en 1973.
Ses entreprises parallèles restent elles aussi à l’état
de projet : les étranges bulbes conçus pour le musée Asger Jorn à
Silkeborg au Danemark, les nappes flottantes du théâtre de Zurich, les
pavillons modulaires de sa propre résidence de Sydney. Obsédé par la
préfabrication, devenue, après l’expérience de l’Opéra, la discipline
quasi philosophique grâce à laquelle il pense pallier le déclin des
compétences artisanales dans les sociétés contemporaines, Utzon conçoit
en 1969, pour des industriels danois, un système de maisons sur
catalogue qui n’aura pas le succès escompté. Sur des principes
apparentés, il construira pourtant une église à Bagsværd, dans la
banlieue de Copenhague (1972-1976) ; deux maisons sur l’île de Majorque
(1973 et 1974) et le colossal parlement du Koweït, au début des années
1980.
Autant que sa carrière météorique, le caractère
inclassable de son architecture explique sans doute qu’Utzon soit resté
mal compris. Artiste radical nourri de tradition, humaniste et
utopiste, celui qui voulait « travailler aux limites du possible » a
traversé le paysage de l’après-modernisme européen comme une lumineuse
énigme.
L’architecte Jorn Utzon est sans doute moins connu que son chef-d’œuvre, l’Opéra de
Sydney, qu’il ne réalisa que partiellement à l’issue d’un chantier
difficile qui dura dix ans. C’est pourtant un architecte de tout
premier plan, dont les projets et les trop rares réalisations
témoignent de l’exceptionnelle capacité à allier créativité plastique
et rigueur conceptuelle dans des formes aussi personnelles que
novatrices.
1. Une personnalité singulière
Fils d’architecte naval, neveu de sculpteur, Utzon naît
à Copenhague en 1918. Très jeune, il manifeste un talent certain pour
le dessin, mais c’est l’architecture qu’il décide d’étudier. En 1937,
il entre à l’Académie royale de Copenhague, où il reçoit l’enseignement
humaniste de l’architecte et urbaniste Steen Eiler Rasmussen. Tout en
s’engageant dans les débats de l’avant-garde internationale, il cultive
ses références nordiques – Erik Gunnar Asplund, Alvar Aalto, dans
l’agence duquel il travaillera quelque temps –, découvre les théories
organicistes de Franck Lloyd Wright, vers lesquelles le porte sa
sensibilité aux formes naturelles, et voyage dans le monde. À cette
époque son univers s’enrichit d’affinités et d’intérêts peu communs :
l’architecture de la Chine ancienne, ses monuments et ses traités ;
l’antiquité méso-américaine et islamique ; les mouvements artistiques
contestataires, comme le groupe Cobra.
Utzon fonde son agence au début des années 1950 ; ses
premiers projets sont originaux et remarqués. Avec sa propre maison de
Hellebaek, il introduit le plan libre dans l’architecture domestique
danoise. Les deux villages qu’il construit ensuite (à Helsingor, en
1956, et à Fredensborg, en 1959), se veulent une alternative aux
lotissements qui prolifèrent autour des villes danoises. En
réinterprétant un modèle ancien – la maison à patio – qu’il décline en
plusieurs types et distribue suivant la topographie des lieux, Utzon
réussit une synthèse exemplaire entre des exigences contradictoires :
l’habitation privée et le sens de la communauté, l’aspiration au
confort intérieur et le désir d’espaces publics partagés, la
flexibilité d’usage et la cohérence architecturale d’ensemble,
l’affirmation de l’intervention humaine et le respect du site.
2. L’Opéra de Sydney
En 1957, Utzon est lauréat du concours international
pour le nouvel Opéra de Sydney. La surprise est grande car, à
trente-huit ans, il n’est guère connu, même s’il s’est signalé au
Danemark et en Suède en remportant plusieurs consultations
d’architecture et d’urbanisme, qui n’ont pas abouti. L’étude et la
réalisation (entamée en 1959) de ce projet majeur vont l’occuper
pendant dix années. Sans avoir visité Sydney, il donne au paysage de la
ville et au programme du concours une réponse dont l’audace et la
poésie tranchent avec les propositions des autres concurrents. Il veut
ériger sur le promontoire de Bennelong, des éventails de coques
blanches qui couvriraient, telles des voiles, deux salles de concert
contenues dans un socle monumental en pierre. Cette image, construite
en dépit de multiples difficultés, est devenue l’emblème mondialement
célèbre de la plus grande ville d’Australie.
L’intention qui anime le projet pour l’Opéra s’inscrit
dans un mouvement de retour à la forme propre à la génération d’Utzon.
Les jeunes architectes réagissent contre le dessèchement du modernisme
de leurs aînés et parient sur de nouvelles technologies – ici les
coques minces en béton armé – pour incarner leur revendication d’une
plus grande liberté plastique et favoriser l’émergence d’une nouvelle
architecture. Pourtant, Utzon et ses ingénieurs sont vite confrontés à
l’impossibilité de construire l’Opéra sans modifier le projet. Pendant
que le socle émerge lentement du sol, l’agence londonienne de
l’ingénieur Ove Arup (1895-1988) échoue à calculer la géométrie des
toitures lyriques qui doivent le couronner. C’est finalement
l’architecte qui trouve, en 1962, une solution inédite : il propose que
les coquilles soient toutes prélevées sur une même sphère théorique, ce
qui rend leurs surfaces homothétiques, les rationalise et permet une
réalisation économique. Les membranes galbées en béton de faible
épaisseur envisagées au départ deviennent des voûtes en ogive, un
assemblage d’arches elles-mêmes décomposées en segments préfabriqués.
Sur le plan constructif, l’Opéra de Sydney s’apparente donc plus à une
cathédrale gothique qu’aux expériences qui l’avaient d’abord inspiré,
comme le fameux terminal de la compagnie TWA conçu par Eero Saarinen
pour l’aéroport Kennedy de New York.
3. Une carrière de météore
En 1966, alors que l’extérieur de l’Opéra est presque
achevé, un violent conflit avec le gouvernement local contraint Utzon à
démissionner du projet. Il lègue à la ville une coquille vide dont les
auditoriums et les façades seront réalisés par un trio d’architectes
locaux, l’Opéra étant officiellement ouvert en 1973.
Ses entreprises parallèles restent elles aussi à l’état
de projet : les étranges bulbes conçus pour le musée Asger Jorn à
Silkeborg au Danemark, les nappes flottantes du théâtre de Zurich, les
pavillons modulaires de sa propre résidence de Sydney. Obsédé par la
préfabrication, devenue, après l’expérience de l’Opéra, la discipline
quasi philosophique grâce à laquelle il pense pallier le déclin des
compétences artisanales dans les sociétés contemporaines, Utzon conçoit
en 1969, pour des industriels danois, un système de maisons sur
catalogue qui n’aura pas le succès escompté. Sur des principes
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(1973 et 1974) et le colossal parlement du Koweït, au début des années
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mohicho27- meilleur
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Points : 10412
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Age : 35
Localisation : Mostaganem
Emploi/loisirs : etudiant en architecture > Travaux
Humeur : RigOlO (°__^)
Date d'inscription : 08/10/2008
mohicho27- meilleur
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